Cherchant un nouveau flare photographique, mon flair m’a conduit vers le Portugal. Par hasard. Un hasard qui s’appelle Librairie Lello à Porto : je veux la voir. Et c’est là que le périple commence. La préparation du voyage est déjà voyage. Une étape cruciale qui veut optimiser une semaine de vacances. Elle se transforme vite en enquête, une carte affichée au mur avec des liens qui relient des points. L’attente de partir mène l’excitation à son comble, un amour au creux du corps, les promesses de belles aventures. Enfin, arrive la délivrance de l’impatience : l'envol vers Porto, et l’incontinence de joie de mon fils.
Arrivés à Porto, le restaurante Fernando nous plonge avec finesse dans la gastronomie portugaise et ouvre le bal d’une semaine d’éveil des sens. Comme l’enfant découvre le monde avec la bouche, une nouvelle culture se goûte. Sur cette semaine, nous avons testé toutes sortes d’empanadas, des poissons grillés, des fromages, et les incontournables pastels de nata. Ce dessert qui marie le croustillant du feuilleté à la douceur de la crème. Un mélange addictif, notre péché mignon de ce séjour. Outre l’agréable nouveauté de ces saveurs, un adjectif qualifie pour moi la cuisine portugaise : généreuse. Quand l’assiette du menu enfant arrive, mes yeux s’élargissent pour accueillir tout ce que celle-ci contient. Nos papilles sont gâtées et nos ventres remplis. La générosité ne s’arrête pas à la quantité des plats. Quand je commande un verre de vin, et que la serveuse m’apporte une demi- bouteille avec un verre à bière, je comprends qu’il faudra demander un doggy-bag.
Il est temps de prendre la route, une fois trouvé le fonctionnement de la marche arrière pour sortir du parking du loueur (ma fierté préfère taire la durée de ce moment), nous faisons nos premiers kilomètres sur le sol portugais. Une grande première pour moi la conduite à l’étranger. En soit, rien de bien différent. Cela dit, je n’ai toujours pas totalement résolu la question des feux : la roulette russe des routes portugaises. Je m’explique : deux feux orange clignotent chacun leur tour. Et tout à coup, sans prévenir, l’un passe au rouge. J’ai cru comprendre que le but était de ralentir, quand je suis passée au rouge. Mettons de côté cette anecdote, et mon stress à rouler sous caution, je vois vite tous les avantages de la conduite : la liberté d’aller où on veut, quand on veut, et surtout la découverte de la géographie du pays. Les reliefs sont vigoureux au Portugal, et le véhicule n’a pas été prévenu puisque les détecteurs d’obstacles sonnent régulièrement sur les routes à la verticale. On s’y fait vite.
Les capteurs oculaires se réveillent. La photographe que je suis comble tous ses objectifs de nouvelles visions. Les palais de Sintra la colorée, donnent l’impression de visiter des pays différents dans une seule ville. Le monastère de Batalha et son mélange gothique-manuélin. Le voyage dans le temps à Obidos. Le foisonnement de l’architecture place le Portugal sur un piédestal de satisfaction de ma curiosité culturelle.
Une semaine en bleu blanc jaune.
Les ruelles de Porto, ses escaliers, et ses ponts nous conduisent d’une rive à l’autre de notre poésie, quand la nuit tombe sur le Douro, et que la Ribeira s’anime d’une effervescence commune. Et là, le graal. La fameuse librairie Lello de Porto. Elle ne pouvait pas me décevoir. Elle ne l’a pas fait. Des éditions magnifiques dans un décor d’exception. Le plus difficile : se limiter dans les achats, le sac à dos ne pourra pas tout contenir.
Les sens s’éveillent face à tout cela. Et Ericeira m’a marqué par ses odeurs : quand la salinité olfactive du bord de mer, se mêle aux poissons grillés. C’est le moment de vivre pleinement dans l’instant, en profitant de ces sensations qui s’imprimeront dans notre mémoire comme la photo sur son papier. Au passage, je tiens à faire mention d’un détail satisfaisant pour quelqu’un qui a peu de tolérance avec les mauvaises odeurs : un avis sur le parfum des toilettes dont nous avons fait usage au cours du séjour. Ils sentent bons. Pas seulement le propre, mais une fragrance agréable qui rend l’expérience très satisfaisante.
Le Portugal, c’est aussi des sons. Le premier qui me revient est celui de la mer. Les vagues qui s’enchainent, se jettent contre les falaises, s’infiltrent dans les grottes créant un mantra apaisant. Le vent qui chante. Et c’est le fado. Je n’en comprends pas les paroles, mais je me laisse bercer par sa sonorité tout en douceur. Oui je ne l’ai pas précisé, mais je ne parle pas portugais. J’aime revenir de voyage et connaître quelques mots. Bom Dia (bonjour). Et ça s’arrête là. Les Portugais parlent français. Inutile de connaître le mot au-revoir. Je m’excuse d’avoir choisi la facilité, alimentant de fait le mythe que les français ne sont pas doués en langues étrangères.
L’aventure se concrétise par le toucher. La sensation du vent frais de février sur les hauteurs de Sintra, le soleil qui caresse les joues en terrasse sur la Ribeira, le léger roulis du bateau sur le Douro, le massage des pieds par le sable des plages.
C’est tout cela un voyage. Revenir en écoutant du fado, en cherchant les pastels de nata dans les pâtisseries, en compilant en album les images qui font surgir l’odeur du poisson grillé et le bercement d’un bateau. Ce sont les cinq sens qui éveillent l’âme à la découverte du monde et créent la magie, rendant chaque voyage unique.